Hommes de Polynésie: OLAN “A TI’A / LÈVE-TOI !”

Tous les mois, nos partenaires Femmes de Polynésie & Hommes de Polynésie publient le portrait d'un de nos agents, et subliment notre richesse humaine.

Publié le 10/09/2021

Originaire de Makemo, dans sa jeunesse, Olan n’aurait jamais envisagé une vie dans la rue, un passage sous les ponts, une affiliation au royaume Pakumotu… Destinée ou libre arbitre, après avoir subi la vie pendant longtemps, Olan décide d’en prendre le contrôle. Aujourd’hui, Hommes de Polynésie brosse un portrait aux couleurs de la résilience.

 

DÉRAPAGE

6ème d’une fratrie de 12 enfants, Olan fait ses premiers pas à Makemo où il vivra modestement mais confortablement jusqu’à ses 15 ans. Faute de lycée, c’est Taravao qui va l’accueillir pour le reste de son adolescence.

 

« Au lycée Polyvalent de Taiarapu-Est, je suis sorti au bout de 4 ans avec un BEP en construction. »

 

Profondément attaché au tissu familial, loin de ses parents, petit à petit Olan perd ses repères.

 

« Comme tout adolescent, j’ai commencé à faire mes propres expériences. J’étais devenu rebelle. J’ai rencontré les mauvaises personnes, au moment où j’étais le plus vulnérable. »

 

Les mauvaises péripéties s’enchaînent, et Olan se retrouve plongé dans une vie qui le dépasse.

 

« Après mes études, j’ai choisi le chemin de la rue. Au lieu de rentrer à la maison, prendre l’avion de l’éducation, j’ai pris mon sac et j’ai vécu dans la rue. »

 

Avec un humour qui témoigne de sa résilience, Olan précise : « Tu sais quand tu lâches un paumotu en pleine nature, il survit bien. C’est pareil pour la rue (rires) ».

 

ERRANCE

Pendant près de 6 ans, notre sans-logis va errer dans les rues de Papeete. Toute liberté a un prix et pour Olan, elle va le mener vers de sombres activités.

 

« Je dormais sous le pont de Fare Ute, on vivait au jour le jour. J’ai été amené à voler, mentir, je n’en suis pas fier… »

 

Malgré la situation, Olan collectionne les petits contrats, tantôt comme pompiste, tantôt dans une boulangerie, il accumule les entrées et sorties.  Mais pour le jeune paumotu, la sortie de la rue ne se concrétise pas. Contre toute attente, c’est dans un avion en provenance de Makemo qu’elle se manifestera.

 

« Mes parents m’ont remis sur le droit chemin. »

 

Dorénavant la rue en poupe, c’est à Outumaoro qu’Olan va élire domicile. Plein d’espoirs, il rejoint le rang des citoyens Pakumotu1.

 

« On était jeunes, ils nous promettaient du travail, un logement… Tout cela nous semblait tellement bien, on y a cru en vain. »

 

Noyé dans ce raffut, Olan rencontre sa femme. Une perspective nouvelle et un foyer à fonder, les priorités du jeune homme changent radicalement.

 

« Je suis devenu père. Pour moi les choses ont changé à partir de ce moment. Je voulais que ma vie avance. »

 

Du jour au lendemain, il quitte le royaume et se consacre entièrement à un futur plus serein pour lui, sa compagne et ses enfants.

 

SE RELEVER

 

Quelque temps et une expulsion plus tard, la petite famille (aujourd’hui de 6) trouve un logement grâce à l’Office Polynésien de l’Habitat. Une bonne nouvelle, mais rien n’est encore acquis car il faut payer le loyer.

 

« C’est comme cela que mon histoire avec l’OPH commence. Avec des formations dispensées par le SEFI, j’ai pu dans un deuxième temps ouvrir une patente. »

 

Olan travaille comme prestataire pour l’OPH. Il assure notamment, au sein de deux résidences, des missions d’entretien des espaces communs, de distribution de courriers auprès des résidents et de relais en cas de dysfonctionnements constatés sur le site.

 

« Dans mon partenariat avec l’OPH, je fais mon maximum pour garantir un bon entretien des parties communes. Mais si je vois quelque chose d’anormal qui sort de mon périmètre, je le signale à l’OPH qui fait le nécessaire, avec par exemple, des plombiers, des électriciens… »

 

Ses missions constituent une part essentielle dans l’amélioration du cadre de vie des locataires.

 

« J’aime énormément mon travail: prendre soin des résidences, les maintenir propres, et avoir des responsabilités. »

 

Curieux et « touche-à-tout », la plus grande preuve étant sa découverte de l’énergie libre2 en bidouillant des batteries à l’âge de 12 ans, Olan se lance un défi.

 

« Je suis une personne qui crée. J’ai toujours été passionné de bricolage et particulièrement d’électronique. En 2017, j’ai présenté mon projet de construction de vélos et moteurs électriques dans l’émission Ohipa Maitai. »

 

Malgré l’ingénuité et la nature innovante du projet, Olan se retrouve au pied du podium. Mais pour notre avide d’invention, ce n’est que partie remise.

 

«J’ai d’autres plans, d’autres inventions. Je ne pense pas en rester là. »

 

Qui sait ce que l’inventeur de Makemo nous trame ? Des vélos à énergie libre ? Une certitude, rien n’est joué d’avance et comme le dit si bien l’électron Paumotu libre à l’heure du bilan :

 

« Il ne faut pas rejeter l’aide, par-dessus tout, il faut le vouloir. En ce qui concerne mon futur, je souhaite créer une association dans le but d’aider les jeunes qui comme moi à une époque, perdent leurs repères. Taure’are’a3, tu n’es pas seul ! »

 

État souverain autoproclamé.

2 L’énergie libre est un concept dérivé des théories scientifiques sur l’énergie et notamment de la thermodynamique.

3 En tahitien : ce qui caractérise la période d’instabilité et d’insouciance de l’adolescence.

 

Niuhiti Gerbier
Rédacteur

 

Retrouvez le portrait sur le site d'Hommes de Polynésie